Attends, Gilou, j'ai pas encore tout lu, j'ai copié le texte pour l'imprimer, ce sera ma lecture du soir... Et ensuite je te dis quoi !
Mais en attendant, en voici une belle tranche datant de 1967. 1967, le 13 juin, au vu des radios de ma clavicule (je sais, je conserve tout !)...
J'ai une épaule en l'air, clavicule gauche cassée suite à une mauvaise entrée en mêlée, au rugby... Et ça me « gave grave », vu que comme souvent le jeudi après midi on devait aller faire une virée à Vallon-Pont-d'Arc. La sortie habituelle, par Villeneuve, Sauveterre, Roquemaure, Bagnols-sur-Cèze, Barjac, Vallon-Pont-d'Arc, les gorges de l'Ardèche, St-Just, Pont-st-Esprit et retour par Bagnols... Un périple à virages de 190 bornes environ.
Facile d'imaginer ma déception ! Mais c'était sans compter sur la solidarité des copains. Pas de racisme dans la bande, un 125 était autant considéré qu’une 750... Surtout quand Estienne (avec un "S") était au guidon de son 125 Peugeot face à Jésus tentant de faire avancer sa 700 Météor ! Mais n'anticipons pas... Devant mon désarroi, Pierre décida que je pourrais bien grimper derrière lui sur sa 350 Yamaha YR1 toute neuve pour faire la virée.
Évidemment j'étais partant, mais pas si rassuré que ça ! Pierre allait très vite, certainement le plus rapide de nous tous, que ce soit à l'époque des mobs ou plus tard avec son redoutable Terrot 125 ETDS préparé à base de pièces Nougier. Et il ne tombait jamais, contrairement à son frère Bernard, abonné du goudron... Mais enfin, sur la YR1, c'était une autre histoire ! Bref, heureux mais avec les fesses serrées...
Rendez-vous au Moto-Club boulevard St-Ruf à 14 h et en route. Vu la tournure qu'a prise la virée, je nommerai les protagonistes du spectacle au fur et à mesure de leur apparition dans la représentation. Départ donc, en fanfare, du Moto-Club, "Milou" (dit "rebord de quelli" **) en tête sur sa T100, suivi par "le Banquier" (**) sur mon 175 Terrot Rally ex Nougier, le tout traqué par la meute des poursuivants...
200 m après le Moto-Club, le boulevard fait une très large courbe à droite pour déboucher sur le carrefour de la Rue de Provence. De ce fait on ne voit les feux qu'au dernier moment. Milou a stoppé au rouge et Banquier qui avait le nez dans le guidon ne l'a pas vu... Premier carton de la journée ! Si le Terrot n'a rien eu, à part le garde-boue avant tordu, la Triumph s'est vue amputée de son feu rouge. Nous sommes arrivés alors que la bagarre avait déjà commencé. Et nous d'exciter les belligérants dans un élan enthousiaste...
Il y a bien Estienne qui a embouti l'arrière d'une 203 à la sortie du pont suspendu, dit "la planche-à-ficelles" mais c'est parce que son Peugeot n'avait quasiment pas de freins, ça ne compte pas ! Et puis face à la rixe des feux de St-Ruf, aucune importance. D'ailleurs la 203 n'avait rien... On ne peut pas dire non plus que l'ardeur d'Estienne avait été calmée par ce coup de "pas de chance".
Pour éviter la difficile traversée de Villeneuve-lez-Avignon (on dit aussi -lès-), une rocade fait le tour du Fort-St-André perché sur son rocher. Une merveille de grande courbe à gauche suivie d'un large droit. En 125, avec un peu d'optimisme, ça passe à fond et Jean-Pierre, alias "John-Prachon-Velocette", a bien cru réitérer cet exploit avec sa 250 Ducati Desmo... Faut croire que non ! Comme tout le monde serrait la corde à gauche (y a un peu de visibilité) il a cru bon de faire l'extérieur à tout le paquet en doublant par la droite. Quand il s'est mis par terre (ben, oui, quelle question !) il a filé à plat ventre tête première dans un tas de déchets végétaux qui justement se trouvait là ! La vie est ainsi faite...
« - Si on doit s'arrêter tous le 10 mètres pour relever un fada qui s’est vautré, on n'est pas rendu ! », qu'il a dit Bernard, vu que lui, quand il tombe, personne ne s'arrête plus et que même il faut qu'un de la bande aille chercher son père pour le récupérer... Alors on a continué notre route. Et rien n'est arrivé de dramatique jusqu'à Barjac, même la sortie du petit Pascal (Norton 88 SS) dans l'herbe, en pleine ligne droite de Codolet, à côté de Marcoule, qui n'a eu d'autre conséquence qu'une grosse brassée de broussailles coincée entre moteur et le cadre. Au cours de l'arrêt à Bagnols pour attendre les retardataires, il a eu "tout le temps de brouter son foin, des fois que ça l'aurait fait grandir ?", comme l'a suggéré Chou... Robert, c'est son vrai nom, 500 Matchless G80 1950...
Sur la petite route entre vignes et garrigue, tortueuse et défoncée au possible, Jésus a cassé une fixation d'amortisseur de sa Météor. Christian, mécanicien chez un armurier. Christian, dit "Christ", puis par fine déduction Jésus. Sa machine était proche de l'épave, mais c'était pour lui la plus belle au monde ! Faut relativiser, là... Une couleur aubergine pastel tant elle avait passé, une usure extrême et une conception archaïque : simple berceau interrompu modèle de non-rigidité, bras oscillant fixé sur la boîte, un ridicule double frein avant de 150 mm (le même que sur les 50 Gitane Testi !) pas capable de simplement ralentir le poids monstrueux de la bête... Mais un moteur beau à voir (pas le sien, à cause des fuites d'huile cuites et recuites).
Cette panne d'amortisseur n'allait quand même pas l'arrêter dans sa sortie, surtout que "Gim", son passager, n'aurait pas voulu rentrer en stop. Donc : Banzaï ! Parce qu'en plus cette enclume est persuadé de pouvoir, par la finesse de son pilotage, tenir la dragée haute à toute cette bande de ploucs d'avignonnais. C'est bien un lyonnais, tiens !
Ça y est, ce coup-ci, on a attaqué le gros morceau : l'Ardèche, ou du moins ses gorges. La route n'est pas encore ce qu'elle sera 5 ans plus tard. C'est une route étroite et mal revêtue bordée de murets délabrés, les virages sont très serrés et pas relevés du tout. Une route idéale pour un bon 50 ou une 125 pas trop lourde. La Peugeot d'Estienne, par exemple : 3 vitesses au réservoir, des pneus Michelin "Flèche d'Or" de la belle époque, 7 ch. et 80 km/h en pleine folie... Mais un couple d'enfer, et si le pilote va bien, attrape-moi si tu peux !
La CB 125 d'André n'est pas mal non plus, mais beaucoup trop lourde. Le 125 Terrot de Bernard est très à l'aise, mon 175 y est redoutable, rien à faire pour le suivre, surtout aux mains de ce furieux de Banquier. La Ducat' va bien aussi. La Yam' s'en sort grâce à sa puissance et ses accélérations... La Matchless rame loin derrière avec la 88 SS et la T100 de Milou se démerde entre les 2 groupes. J'oublie quelqu'un ? Non. La Royal-Enfield est un désastre inclassable qui ne peut même pas suivre la R50 BMW de Michel qui finit de percer ses caches-culbuteurs dans des raclements joyeux...
Pourtant il remonte, le rascal ! Nous venons de perdre pas mal de temps à doubler une nana dans une Estafette qui roulait fort mais prenait un peu toute la couverture. De là un beau regroupement derrière la Yam, les 125 d'Estienne et Bernard étant assez loin devant au cul du Banquier sur mon Terrot. Et derrière nous, dans un long gauche sans visibilité qui se resserre à cause d'un coude de l'Ardèche, qu'ouïs-je ? KRRR... Je me retourne pour voir Jésus tenter un intérieur impossible à tout le monde. Excès d'optimisme ou freinage au panneau "Trop tard" ?
Toujours est-il que cette andouille tente ce truc infaisable et finit par s'y mettre ! André, qui a entendu ce sinistre raclement de ferraille sur le goudron, annonciateur de catastrophe, tente désespérément de se dégager de la trajectoire et accélère d'un coup. Mais sous son accélération l'arrière se dérobe et il part au tas lui aussi... Arrêt des 2 machines dans le muret heureusement en bon état ici.
En fait, ce n'est pas l'accélération de la 125 qui a fait glisser la roue arrière d'André, mais la tête du pauvre Gim descendu malgré lui de la Météor, puisqu'elle est aussi par terre ! Jésus quand à lui gît lamentablement à plat ventre au milieu de la route. Qué cagade ! Le casque de Gim porte la marque du pneu AR de la Honda, son blouson est remonté au milieu du dos et il ne reste de son Jean que la ceinture, les coutures latérales et le bas des jambes. Il est salement écorché et saigne comme un goret. Je ne parle même pas des cris, et il n'a pas fini de chanter...
L'Estafette qu'on venait de doubler s'est arrêtée et la nana sympa propose son aide. Elle sort sa trousse de secours et entreprend de soigner les bobos du beau blond. Nous, nous faisons la ronde autour en entonnant une chanson paillarde en provençal : "Quan ère pitchounet ma mère mé branlade, nan qué siu grandet, mi branlès tout soulet..." Je te laisse le soin de traduire ! Et l'autre qui beugle comme un veau, y va pas la fermer ?
Finalement Gim ne pourra pas rentrer à moto, la nana propose de le ramener chez lui en Staf'. Il n'aura pas tout perdu, elle est bien mignonne ! Mais l'ambiance n'y est plus et le retour se fait en ordre dispersé. Pierre repart au taquet, et 15 km plus loin ce qui devait arriver arrive, lui aussi y va de son gadin. Je me souviens d'avoir heurté le parapet avec la tête, puis je me suis réveillé 3 mètres plus bas, allongé sur le dos dans l'herbe. Nous rentrons bien moins vite avec la YR1 blessée autant que l'amour-propre des 2 frères. J'ai très mal aux épaules et beaucoup de difficultés à me cramponner.
Dimanche : je souffre sous le regard réprobateur des parents furieux et le lundi une radio décèlera une fracture de la clavicule droite ! Bravo, me voilà avec les 2 côtés bandés... Et les vacances qui arrivent !
La conséquence de cette chute bien malheureuse sera une rupture définitive avec les 2 frangins Pierre et Bernard. Pierre prétendra que s'il était tombé, c'était de ma faute, j'aurais selon lui redressé la moto dans le virage. Bon...
En tous cas, cette sortie fut mémorable, et mise à part cette fichue clavicule, le souvenir que j'en garde est celui d'une franche rigolade. Joe Bar Team ???
** L'équipe :
" Rebord de quelli"... En provençal, le quelli est un pot de chambre. Milou avait des lèvres charnues et retroussées en rebord de pot de chambre !
" Banquier", de son autre surnom "Pèbre"... Banquier parce qu'il travaillait à la Lyonnaise de Banque. Pèbre à cause de son penchant pour le pastis. Pèbre veut dire poivre, pébron, c'est poivrot. Pas bien flatteur, tout ça. En tous cas, bon camarade et une force herculéenne. Très fin pilote aussi.
" Gim"... Jean-Pierre, un copain de classe de la 4ème à la terminale. Il avait une bleue, AV88, puis un 100 Twin-Jet Yamaha et enfin une CB 250 rouge et blanche. Mon inséparable, bien qu'il ne jouât pas dans notre petit orchestre de jazz. mais je n'allais pas souvent chez lui, il insultait ses parents et ça me mettait très mal à l'aise.
" Estienne"... J'ai oublié son nom de famille. Après sa 125 Peugeot, il a eu une 750 Suzuki mauve, la belle "bouillotte", qu'il maniait avec brio. Un cœur d'or, copain de classe au long cours lui aussi. Ce sera le seul à venir à notre mariage en 73. Le trompette de l'orchestre.
" Michel", le troisième du club des 4 avec Gim, Estienne et moi, a acheté sa BMW parce que d'après ses parents, une moto de flics c'était un gage de sécurité. Tu parles ! Il usait un cache-culbu par sortie ! Mais aussi il soufflait merveilleusement dans sa clarinette.
Le chanteur du groupe était un autre de la classe, Jacques Moulières, Flandria Rekord, qui a enregistré quelques 45 tours sous le nom de Jacky Moulières. Il n'était pas participant à nos sorties. Lui, c'était un calme !
Banquier, Chou, Pierre et son frère Bernard, faisaient partie d'un autre clan auquel j'avais eu accès par Gim, cousin de Banquier. Ils avaient été les premiers à avoir des vraies motos.
Jésus était tombé dans l'équipe à Janot, avec Jean-Louis (on en reparlera, de celui-là !), Nani, André... Puis Jean-Pierre, dit "John Prachon Velocette" pour je ne sais quelle raison. Il avait sa bande à part avec Milou.
Affaire à suivre !
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